Texte en version originale; http://nicoledaedone.com/letter-of-apology-to-men/
"Lettre d’excuse aux hommes
15 Janvier 2012
Dans l’esprit des tonnes d’ « Excuses faites aux femmes » qui ont surgi sur Facebook il y a quelques temps, je me suis dit que, en tant qu’espèce, nous les femmes tardons à apporter une réponse. Ces pauvres hommes, on leur met tout sur le dos! Je m’insurge! Les gars, voici une réponse. Qu’à présent tous les êtres sensibles s’épanouissent sexuellement.
C’est avec beaucoup de regret et de tristesse que j’écris cette lettre. Elle est adressée à tous les hommes avec lesquels je suis sortie (ou assimilé) et je veux énoncer les mots les plus difficiles à prononcer pour moi: Je m’excuse.
Je m’excuse pour le fait que je n’ai pas fait le travail visant à reconnaître que — en dépit de toutes les illusions auxquelles je me suis désespérément accrochée — il n’y a pas à y couper: je ne pourrai me contenter de moins que tout de ta part. Je sais que j’ai dit que tout irait bien si tu m’achetais une autre paire de chaussures ou si nous passions les sept prochaines heures à réfléchir. Je sais que j’ai fait des promesses subtiles comme quoi tu n’avais rien d’autre à faire que d’être là, de patienter et de me laisser t’aimer, ou qu’une fois que nous serions « installés », je serai heureuse. J’ai menti.
Je m’excuse pour le fait que je rechignais à répondre à la question de ce que veulent les femmes, te laissant frustré et confus. Je l’ai laissée obscure et en suspens parce que je croyais que tu dirais non. Je te veux, tout entier, pleinement éveillé et prêt à jouer. Je veux que tu t’occupes de moi pour que je puisse arrêter de m’occuper de tout. Je veux que tu me dises: arrête, arrête-toi, allonge-toi — et savoir que tu est complètement capable de prendre le relais. Je n’y croirai pas la première fois (ni la deuxième, ni la troisième). Je n’y croirai pas tant que tu ne me l’auras pas montré et remontré. Je veux que tu aies le désir de vaincre mon doute à force de persuasion.
Je m’excuse pour tous les écrans de fumée que j’ai dressés, pour tenter de cacher ma question toute simple qui n’appelait qu’un oui ou un non: veux tu venir en profondeur avec moi, mettre tout en jeu et voir ce que nous en sortons, ou pas? J’ai laissé la barre à ma peur: peur que, étant un homme, tu aurais peur de t’engager,— non l’engagement du mariage mais l’engagement de l’âme — à aller aussi loin que nécessaire pour voir ce dont toi, moi, nous sommes faits. (Oui, je sais t’atteindre là où ça fait mal, comment activer cette crainte et ensuite faire genre « Qui, moi? »). J’attends que tu t’engages, c’est tout. Je n’ai pas dit que j’étais aussi effrayée que toi, même si j’ai l’air d’être celle qui met la pression.
Je m’excuse de ne pas avoir posé les questions difficiles au début. D’avoir en fait été une dealeuse de drogue, avec l’espoir que tu serai tellement accro que tu ne pourrais plus t’en sortir. Au lieu de te demander si tu voulais plonger, si ça t’excitait, si tu étais prêt. J’espérais que nous pourrions aborder le sujet quand il se présenterait. Et à chaque fois, quand cela a été le moment, quand l’addition est arrivée, tu t’es senti trompé et furieux. Et avec raison.
Je m’excuse pour les fois où j’ai utilisé le sexe comme une monnaie d’échange— pour te faire m’aimer, me vouloir, me réclamer. Et ensuite, une fois que je t’avais eu et que tu n’avais plus besoin de marchander, d’avoir arrêté de faire l’amour. Je m’excuse de t’avoir considéré comme une conquête sécuritaire, en te donnant le meilleur sexe de ta vie juste avant que tu ne me promettes de t’engager.
Je m’excuse pour l’énorme mensonge que j’ai initié, que j’étais une « étendue finie », et que, une fois que tu aurais bouclé toutes les tâches de la liste, nous pourrions revenir à ton emploi du temps habituel et régulier — que tu pourrais retourner au calme et au confort de ton mental et que je te laisserai seul dans ton sanctuaire, loin de mon chaos et de mon imprévisibilité. Je suis désolée de ne pas avoir dit: je te veux tout entier et je veux que tu m’aies toute entière, et si nous devons être dans ce type de relation, cela va impliquer un engagement de chaque instant de part et d’autre — ce n’est pas une affaire qui se boucle en une fois. On ne gagne pas l’autre pour ensuite rayer ça de la liste et passer à d’autres choses plus productives. Le fait d’obtenir l’autre n’est pas la fin du jeu mais le début. Et le jeu ne s’arrête jamais. Je me suis fait passer pour « facile » (comme le manche gratuit du rasoir). Je dois avouer que je suis tout sauf facile et je suis un défi de plus en plus grand et non pas l’inverse. Je ne suis pas une piste verte. Attention.
Et je m’excuse d’avoir joué à celle qui est « gentille » — parce que, en tant que femme, la seule manière que j’ai d’être gentille est d’éteindre tout le reste de qui je suis. Je ne t’ai pas dis clairement que j’étais comme un saut d’obstacles et que tu obtiens le répit passager de la gentillesse dans deux cas: quand je laisse tomber, ou quand tu comprends le Rubic’s cube et que tu sais comment t’occuper de moi. Ma gentillesse est la chose la plus cruelle que je puisses t’offrir, car sans défi, tu deviens un homme médiocre.
Je m’excuse d’avoir cu que mon seul pouvoir avec toi était la retenue ou la retraite. D’avoir cru que tu étais trop faible et trop fragile pour soutenir ma puissance et ma colère. D’avoir marché sur des oeufs avec toi, en veillant à ne pas égratigner ton ego, sous peine de te voir me quitter pour une femme « plus facile ». Je vais te dire qu’à la racine de la gentillesse sage se trouve la rage de tout ce que je crois ne pas pouvoir te dire. Et qu’aux endroits où l’on est arrivé au choix entre l’explosion baiser-ou-se battre, et l’impuissance héréditaire qui est le résultat de la gentillesse, souvent j’ai choisi la deuxième. Je n’ai pas eu le courage d’être une femme forte, le genre de femme qui fait de toi un roi, mais juste une femme bien qui va « te soutenir », au lieu d’être la reine qui t’astreindrait, te propulserait, te forgerait.
Oui, je m’excuse de ne pas avoir admis que je suis celle qui détient le pouvoir et toi l’autorité pour faire appliquer les lois. Je m’excuse de ne pas avoir appris à tenir ou exercer ce pouvoir de telle manière que les avantages de le servir soient évidents. Je m’excuse de ne pas avoir reconnu que ce pouvoir prenait sa racine dans ma sexualité — de t’avoir laissé tout seul porter l’aspect sexuel pour nous deux, et ensuite d’avoir joué la victime quand tu es venu me chercher. Je n’ai pas tenu ma part du marché de la sexualité en assumant toute cette faim et tout ce désir; j’ai projeté le tout sur toi. Nous avons tous deux perdu dans cette équation. Parce que je ne veux rien de plus fort que de t’avoir en moi, mais admettre ça, l’assumer totalement, veux dire accepter la responsabilité totale d’être une femme plutôt qu’une fille. Et j’ai souvent l’impression de perdre les bénéfices d’être mignonne et gentille et facile.
Et je m’excuse de nous avoir vendus à bas prix, d’avoir, en atteignant cet état affamée- en colère-seule-fatiguée, perdu la foi en toi et compensé en mangeant, en me disputant, en te baisant et en retournant sous les couvertures me cacher, au lieu d’avoir confiance que tu serais capable de m’offrir la nourriture, la puissance, le genre de sexe où je ne sais plus qui je suis et où je m’éveille. Il n’y a AUCUNE excuse.
Je m’excuse plus que tout pour avoir cru que je pouvais être cette femme-là et d’avoir ensuite essayé de te vendre ce gros mensonge. J’ai essayé, j’ai enfilé tous les corsets mentaux et émotionnels que je pouvais. J’ai tenté de sourire et de rire et d’être facile à vivre, comme une de ces chansons des années 70 où l’on me verrait marchant sur la plage dans une robe blanche avec des longs cheveux bruns soulevés par la brise. Ou en train de changer la couche d’un bébé en te souriant, si fière que tu puisses être le père de mon bébé. J’ai même essayé d’être triste et malade pour que tu puisses te sentir fort et protecteur, pour que tu puisses te sentir être la définition que la société donnait d’un homme. Le problème c’est que je ne veux pas de cet homme-là. (Et j’en ai assez des bandes Velpeau et des boîtes de kleenex).
J’ai aussi essayé d’être la bonne proie, de garder tous mes secrets, mon désir, ma passion et ma faim, ma faim inexorable de sexe, pour que tu puisses me pourchasser, pour que je puisse pousser un cri et que tu puisses frapper ta poitrine et venir me prendre. Je ne peux pas m’en empêcher, mon désir est sans borne, rusé et indomptable. Et je vois quand cette part de moi ressort, la manière dont tu penses que je suis folle, un peu effrayante, et que tu ne sais plus très bien quoi faire de toi-même et que tu commences à étudier la meilleure façon de faire le ménage à la manière d’un homme qui, parce qu’il n’a jamais rencontré quelque chose d’aussi sauvage et qu’il est mort de trouille regarde du porno hardcore, juste pour goûter ce que ça ferait de se sentir à nouveau normal.
Je suis désolée de m’être contentée d’amour sans passion.
Je suis désolée pour toutes les fois où je t’ai laissé filer — tu sais, les fois où tu as eu peur et où tu n’as pas appelée. Ou les fois où tu ne savais pas quoi faire de moi et que tu t’es enfui dans l’autre pièce dans le sanctuaire de ton ordinateur, ou à ton bureau dans le sanctuaire d’une autre femme. Quand c’est arrivé, je suis tombée sous le même joug que celui de la peur qui t’étreignait, et je n’étais pas prête à faire confiance au fait que tu pouvais entendre la vérité, que ça faisait mal, que tu me manquait, que je t’aimais. Je croyais que tu étais incapable d’être présent. En en cela, j’ai fait de toi un homme moindre.
Je m’excuse d’être sorti avec toi en sachant que j’étais trop bien pour toi, mais parce que je me sentais seule ou que je m’ennuyais… et de t’avoir ensuite gonflé d’hormones et d’énergie au point de tomber amoureuse de ma propre création — juste pour découvrir en retirant la prise de toute cette énergie que j’y avais mis, que tu te dégonflais pour redevenir celui que tu avais toujours été, restant aigri et confus de voir que je n’étais plus intéressée, et qu’il n’y avait plus moyen d’obtenir ta dose gratis.
Et je m’excuse profondément de t’avoir traduit le language féminin. Je sais que ça ressemble à quelque chose comme du cunéiforme mais, en te le traduisant, je t’ai traité de la même manière q’un Américain est traité en France quand on l’assimile immédiatement à un idiot d’Américain et qu’on le dorlote en lui parlant anglais. Et un an après vous n’avez toujours pas appris la langue, vous restez un étranger. J’ai accepté l’histoire que tu m’as vendue comme quoi tu étais stupide et benet et que tu ne pouvais pas comprendre. Voilà comment j’ai manifesté ma supériorité. Et cela n’est pas juste.
Je m’excuse de ne pas a’voir dit, s’il-te-plaît-s’il-te-plaît-s’il-te-plaît arrête avec tout ce trip de la « déesse divine » et de la sensibilité et de me rencontrer avec le complément parfait de la « masculinité authentique » — si c’était l’homme dont je voulais, je le trouverais. Je te veux dans tout ce que tu as de bizarre, d’excentrique, d’imparfait, de complètement non raffiné. C’est là que je tombe amoureuse de toi. Je suis désolée d’avoir été si réticente à te donner le moindre indice sur la manière d’être avec moi, à tel point que tu as du écouter d’autres hommes qui n’en avaient pas non plus la moindre idée, et te transformer en une caricature de toi-même.
Enfin, je m’excuse d’avoir essayé de te protéger pour que tu ne saches pas combien mon amour pour toi est profond. D’une profondeur sans fond."